En comptabilité publique, certains principes sont considérés comme des règles fondamentales. C’est le cas du principe de la séparation des ordonnateurs et des comptables publics.
Instaurée depuis le début du XIXe siècle, inscrite dans une ordonnance du 14 septembre 1822, réaffirmé plusieurs fois, jusqu’au décret du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique (RGCP), cette règle traduit une séparation des pouvoirs devant permettre d’éviter des conflits d’intérêts.
Nous allons dans cet article nous attacher à la description de ce principe fondamental.
Tandis que que l’exécution du budget est confié conjointement à l’ordonnateur, c’est-à-dire à l’organe exécutif de l’organisme public, et à un comptable public, fonctionnaire de la direction générale des finances publiques, chacun possède des missions spécifiques.
Présentation et rôle de l’ordonnateur et du comptable
Les ordonnateurs sont ceux qui « prescrivent l’exécution des recettes, engagent les dépenses et en ordonnent le paiement ». Un ordonnateur peut ainsi être un ministre, un directeur de cabinet, un préfet, un directeur régional ou départemental, un président de collectivités territoriales, un maire…
Le comptable public est quant à lui un agent du ministère des finances publiques, qui cotise auprès de l’Association Française de Cautionnement Mutuel et qui paye une prime d’assurance pour couvrir sa responsabilité en cas de sinistre comptable. Le comptable liquide et paye la dépense ou en couvre la recette.
Cette séparation est nécessaire à l’efficacité et à la transparence de l’exécution du budget. L’indépendance, l’étalage des niveaux de responsabilité permet d’assurer un contrôle mutuel et de favoriser une division du travail reposant sur les spécialisations et les aptitudes des agents.
Chacune de ces deux parties possède une exclusivité de compétences sanctionnée par un régime d’incompatibilité stricte qui prévoit qu’un comptable ne peut pas être conjoint d’un ordonnateur. Par exemple, le conjoint d’un Maire ne peut être comptable de la commune en question.
L’application du budget
Ainsi, lors de l’application du budget, l’ordonnateur et le comptable public interviennent tour à tour.
Dans la phase des dépenses :
- L’ordonnateur décide d’effectuer une dépense. Il y affecte les crédits nécessaires à son règlement. On appelle cette opération l’engagement.
- L’ordonnateur vérifie la réalité de la dette de l’établissement public et fixe le montant de la dépense. On appelle cette opération la liquidation.
- L’ordonnateur donne l’ordre au comptable de payer via un mandat de paiement. On appelle cette étape l’ordonnancement.
- Enfin, le comptable effectue des vérifications portant sur la régularité des opérations précédentes, avant de procéder au paiement.
Dans la phase des recettes :
- le comptable contrôle l’autorisation de percevoir la recette.
- le comptable procède à l’encaissement de la créance.
- le comptable contrôle la régularité des réductions et des annulations des ordres de recettes.
Les exceptions au principe de la séparation ordonnateur / comptable
On remarque quelques exceptions à ce principe de la séparation des fonctions entre ordonnateur et comptable public :
La régie : le comptable public délègue une partie de ses attributions par arrêté de l’ordonnateur en nommant un régisseur. Ce dernier est à la fois ordonnateur et comptable et agit sous le contrôle de ceux qui l’ont nommé. Ce régisseur peut ainsi encaisser les recettes d’un faible montant ou payer des petites dépenses.
La réquisition : l’ordonnateur peut passer outre au refus du comptable de payer une dépense. Ceci n’est possible que lorsque l’agent comptable effectue à sa seule initiative la suspension du paiement, et que cette suspension intervient dans des cas précis de contrôles, dans les conditions prévues par des articles 12 et 13 du décret du 29 décembre 1962.
Lorsque les observations formulées dans la notification de la suspension de paiement ne permettent pas l’ordonnateur de régulariser le dossier, il peut exercer son droit de réquisition. Sous conditions de crédits suffisants et réguliers, le comptable effectue alors le paiement de la dépense tandis que l’ordonnateur engage sa responsabilité patrimoniale.
La gestion de fait : il s’agit de l’intervention d’une personne non habilité, autre que le comptable public, dans l’exécution des opérations de recouvrement des recettes ou de paiement des dépenses de l’établissement public. Dans ce cas, le gestionnaire de fait endosse la responsabilité pécuniaire du comptable public. La gestion de fait implique ainsi la détention ou le maniement des deniers publics et est soumises aux mêmes juridictions que les gestions de droits : Cour des Comptes ou chambres régionales des comptes.
Ainsi, alors que nous venons de décrire le rôle de l’ordonnateur et le rôle du comptable public, lors des différentes interventions dans l’application du budget, de la phase des dépenses à la face des recettes, nous remarquons qu’il existe quelques exceptions au principe de cette séparation ordonnateur / comptable.
Tandis que la LOLF introduit la notion de performance dans la gestion publique, et a tenu à conserver cette séparation fondamentale, on peut noter des évolutions souhaitables concernant la place et le rôle du comptable public dans le contrôle interne des établissements, avec la possibilité pour ce dernier de disposer d’un droit de regard et de contrôle sur les processus se déroulant en continu le long des chaînes d’opérations comptables.